De nombreuses associations féministes ont réagi vivement dans une tribune commune, à la composition et aux orientations du nouvel exécutif. Le gouvernement Barnier affiche à bien des égards une tendance à un retour conservateur qui comporte des risques à l’encontre des droits des femmes.
A l’heure du procès des viols de Mazan, où il apparaît plus qu’urgent que les droits des femmes, notamment en matière de lutte contre les violences, soient renforcés, le gouvernement tourne définitivement le dos à sa pseudo « cause nationale » de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Certes, sur la photo la parité semble globalement respectée, avec 20 femmes et hommes. Mais en réalité, il n’y a que 42 % de femmes aux postes de ministres de plein exercice – dont aucun n’est régalien – et elles occupent 60 % des ministères délégués et des secrétariats d’Etat. La newsletter d'Alternatives Économiques
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Afin de se justifier, la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, minimise le rôle des ministères régaliens : « Est-ce que le ministère de l’Intérieur est plus important que le ministère de la Santé ? » se demande-t-elle ? La réponse est oui, lorsque l’on voit le rôle central que joue déjà Bruno Retailleau dans le gouvernement.
Qui plus est, ce gouvernement met fin à un ministère de l’Egalité, rétrogradé en secrétariat d’Etat, confié à Salima Saa sous l’égide d’un homme, le député Horizons Paul Christophe ministre des Solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes. Comme le souligne la journaliste Marlène Thomas dans Libération, les droits, discriminations et violences vécues par plus de la moitié de la population française ne se voient pas attribuer plus de considération politique que l’intelligence artificielle par exemple.
Cette nouvelle secrétaire d’Etat est une femme de droite sans aucune expérience dans le domaine de l’égalité. Circonstance aggravante, des féministes, dont l’adjointe à la mairie de Paris pour l’égalité femmes hommes Hélène Bidard, ont retrouvé une prise de position de Salima Saa qui interroge. Cette dernière s’était en effet prononcée, il y a quatorze ans, en défaveur de la création d’un ministère des Droits des femmes.
« On est à l’écoute des femmes plus que des militantes. Un ministère des Droits des femmes, je trouve ça ridicule en 2012, pas moderne ! », Salima Saa, nouvelle secrétaire d’Etat à l’Egalité
Alors présidente de l’Agence pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (Acsé) et porte-parole adjointe de la campagne de Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle de 2012, elle avait déclaré, dans un article de Slate paru à l’époque :
« On est à l’écoute des femmes plus que des militantes. Un ministère des Droits des femmes, je trouve ça ridicule en 2012, pas moderne ! »
Un retour des valeurs conservatrices
La cause des femmes est d’autant plus mise au rancart que cette mission a subi une réduction de 10 % de son budget, pourtant parmi les moins bien dotés (77 millions d’euros), juste avant les élections législatives. On peut donc s’inquiéter à juste titre du devenir de ces questions qui font l’unanimité dans la société.
Rappelons que selon le sixième état des lieux du sexisme en France publié par le Haut conseil à l’égalité (HCE), 92 % de la population considère que les femmes ne sont pas traitées comme les hommes dans au moins une des sphères de la société, à commencer par le monde du travail, mais aussi en politique, dans le sport ou encore dans la sphère familiale.
Pire encore, les associations féministes dénoncent l’engagement de certains ministres de droite sur des positions allant à l’encontre des droits des femmes et des personnes LGBTQI+ :
« Nous dénonçons en particulier la présence de ministres qui se sont engagé·es ou ont voté contre le droit à l’Interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la constitution ou contre le mariage pour tous·tes, une régression sans précédent. »
Citons notamment Bruno Retailleau, à l’Intérieur, qui a voté contre l’inscription de l’IVG dans la Constitution au Sénat, et contre l’interdiction des thérapies de conversion ; Patrick Hetzel, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, qui s’est opposé à la Procréation médicalement assistée (PMA) pour toutes ou encore la secrétaire d’Etat à la Consommation, Laurence Garnier, qui a grossi les rangs de la Manif pour tous. Et Michel Barnier est loin du compte lorsqu’il se veut rassurant en annonçant :
« Il n’y a aucune ambiguïté s’agissant des grandes lois de société pour les hommes et les femmes, elles seront intégralement préservées. Je serai un rempart pour qu’on préserve l’ensemble de ces droits. »
On ne devrait pas se contenter, en 2024 en France, de simplement préserver nos lois, mais bien au contraire de les renforcer, notamment en matière de violences faites aux femmes, sachant que la mission gouvernementale sur la soumission chimique a été interrompue, que la révision de la notion de viol est également au point mort, qu’il a été question d’un grand chantier sur la situation des mères isolées, lui aussi à l’arrêt… Nombreuses revendications
C’est pourquoi les associations féministes ont exigé de nouveaux engagements pour répondre à ces urgences : à commencer par le rétablissement d’un ministère de plein exercice, d’autant que les droits les femmes exigent une coordination des portefeuilles au plus haut niveau.
Par ailleurs, deux revendications importantes sont une fois de plus convoquées : « Une loi-cadre intégrale contre les violences sexuelles qui lutte contre la culture du viol par la prévention, la sensibilisation et l’accompagnement des victimes. » Ces mesures incluraient la mise en œuvre de procédures pénales adaptées et de véritables moyens et obligations d’enquête et un budget de 2,6 milliards d’euros par an.
Parmi les préoccupations féministes figure également le sort réservé aux personnes exilées, en situation de précarité, de handicap et toutes celles et ceux qui subissent des discriminations. Les lois déjà en œuvre, ou en cours de discussion, sur les questions d’immigration inquiètent fortement, d’où la volonté affirmée d’abrogation des textes « qui durcissent l’accueil des personnes exilées qui fuient les persécutions basées sur le genre ou l’orientation sexuelle et trouvent refuge en France ».
C’est pour toutes ces raisons que ces associations féministes appellent à une nouvelle mobilisation le 19 octobre, en soutien aux victimes de violences sexuelles et à la grande manifestation annuelle contre les violences le 23 novembre partout en France.